Déco d’ailleurs
Les voyages se démocratisent, les esprits s’ouvrent, les cultures se métissent… rien d’étonnant donc à ce que le monde entier s’invite désormais dans nos maisons.
Attrait ethnique
Depuis quelques années déjà, les matières se font exotiques et la tendance est résolument à l’ethnique. Autrefois, on rapportait un somptueux tapis d’un voyage au Maroc, on se faisait expédier un meuble en teck lors d’un périple en Thaïlande, on revenait les sacs chargés de masques africains. Aujourd’hui, les objets venus d’ailleurs peuvent désormais être acquis sans avoir à bouger de chez soi. Les boutiques de décoration ethnique et exotique fleurissent dans toutes les villes, aux sorties de tous nos villages, proposant des produits plus ou moins authentiques, plus ou moins résistants, plus ou moins raffinés, et offrant à chacun la possibilité d’avoir chez soi une part de rêve, un fragment d’ailleurs. Avec sa démocratisation, la décoration exotique ne cherche plus à se justifier. Bien plus qu’un simple souvenir rapporté de voyage, elle devient un choix assumé, un style à part entière. Et de plus en plus souvent, nos objets déco évoquent donc un patrimoine et des histoires qui ne nous appartiennent pas, utilisent des artisanats et des traditions qui ne sont pas les nôtres, sans pour autant perdre en mystère et en émotion.
Le besoin d’évasion arrive probablement en tête des raisons de cet engouement. Ce qui est différent attire et fascine. Chargé d’histoires, de traditions et de mystères, l’objet acquiert une dimension supplémentaire. Ce qui est artisanal touche par son côté authentique et suscite l’admiration. Ce qui vient de loin invite au rêve éveillé, au voyage immobile. Par la magie des images qu’il véhicule, tel meuble, tel tissu, tel objet, évoquera à la fois un lieu mais aussi des odeurs, des couleurs. Chacun se recrée alors un univers à la fois réel et fantasmé, authentique et revisité, personnalisant ainsi un élément déjà riche en symboles. La mondialisation et la multiplication des échanges jouent également un rôle essentiel dans ce processus. Le monde entier peut désormais devenir inspiration. Chaque pays apporte ses richesses, ses objets, ses coutumes, ses codes et ses couleurs. De nouvelles envies se créent avec la découverte d’autres cultures,offrant au consommateur le sentiment d’être pleinement un citoyen du monde, un citoyen qui s’offre le luxe de s’approprier l’artisanat des autres, dans un esprit d’ouverture et de partage.
Artisanat de là-bas, design d’ici
Qu’il ne soit que l’imitation d’un objet traditionnel ou qu’il soit une pièce authentique à la valeur historique inestimable, l’objet exotique prend sa place dans un quotidien, dans un univers qui ne sont pas les siens. Et il en perd parfois sa fonction initiale. Masques de cérémonies, boucliers, pièces de monnaie, instruments de musique ou encore tissus d’habillement connaissent ainsi une seconde vie étonnante en devenant des objets de pure décoration accrochés à nos murs. Un bol traditionnel devient vide-poche, un batik se transforme en nappe ou en tenture murale, un panier de bambou devient applique murale… Mélangés à d’autres styles, adaptés à notre mode de vie, les savoir-faire africains, orientaux et asiatiques acquièrent de nouvelles valeurs, se chargent de nouveaux symboles. On célèbre à travers eux la beauté de l’artisanat, le raffinement du travail manuel.
En parallèle à cette importation foisonnante de richesses d’ailleurs, on assiste également aujourd’hui à une réinterprétation des formes et des styles. Les formes les plus traditionnelles et l’artisanat le plus ancestral servent d’inspiration aux designers actuels qui les revisitent et en font des objets inédits aux lignes résolument contemporaines. On cherche en fait à retrouver le charme, l’humilité, l’irrégularité élégante du travail fait main, la naïveté des arts primitifs. La richesse du design actuel vient d’ailleurs de ce métissage permanent entre notre artisanat, nos traditions, nos savoir-faire et ceux d’autres pays, d’autres cultures. Le renouveau et l’originalité des styles passent aujourd’hui par l’appel aux inspirations étrangères, l’adaptation à nos modes de vie et l’exigence de confort et d’ergonomie reposent quant à eux sur la réinterprétation contemporaine.
Tout un monde de matières
La matière a elle seule est porteuse d’images, de lieux, de sens. Peau, cuir, bois, porcelaine, osier, bambou, raphia, soie suggèrent des points géographiques précis, des ambiances bien spécifiques, réminiscences de pays connus ou rêvés. L’univers sauvage de l’Afrique noire transparaît ainsi dans des objets aux couleurs terre, ocre, marron, des tissus imitant des peaux de bêtes, des pièces métalliques recyclées, des tissages de raphia. La nostalgie indochinoise va se lover dans une moustiquaire vaporeuse, dans un coffre de bois sombre, dans des stores de bambous. Toute la mystique de l’Inde s’épanouit dans des tissus colorés, irisés, garnis de fils d’or et d’argent. Le teck évoque l’Indonésie, la soie la Chine, le cuir le Maroc. Et toutes ces matières se métissent avec bonheur pour apporter un supplément d’âme à nos pièces à vivre. En matière de décoration, le choix se fait en fonction des aspirations de chacun et des images véhiculées par les formes et les matières. Ce qui attire dans la déco ethnique, c’est souvent les évocations puissantes qui lui sont associées : soleil, chaleur, douceur de vivre, nonchalance, convivialité, sobriété, pureté, minimalisme…
Simplicité sauvage
Les tons marron et crème sont de mise pour une ambiance brousse et safari. Rayures de zèbres, meubles acajou, masques suspendus, couverts et objets déco en corne de zébu, bols en terre cuite… les savoir-faire ancestraux des habitants de Madagascar, de Côte d’Ivoire, du Ghana, du Mali ou encore du Bénin apportent une touche de chaleur et évoquent un univers de baobas et de déserts, de dunes et de marigots, de sable et de terre aride. Poufs et tapis en plastique tressé et instruments de musique typiques viennent compléter le tableau.
Tradition exotique
Côté tradition, la Chine nous inspire et ses moindres objets sont pour nous source d’admiration et de fascination. Reflet d’une civilisation millénaire riche et raffinée, le style chinois se retrouve à la fois dans de somptueux lits sculptés, dans des armoires laquées imposantes aux dessins délicats, dans des reproductions de bronzes, des objets de porcelaines, des suspensions pour luminaires en papier de riz ou encore des meubles en bambou peint. Les voisins Thaïlandais, Vietnamiens et Indonésiens ne sont pas en reste puisqu’ils demeurent nos principaux fournisseurs de meubles en bois exotiques, bois de manguier ou de palmier, de marionnettes traditionnelles, de sets de table en feuilles tressées ou encore de vaisselle en bois laqué…
Design zen
Côté design, c’est le Japon qui s’impose. Lignes épurées, créations minimalistes, nos meubles s’inspirent de ce style qui réconcilie avec élégance simplicité et sophistication. On copie leurs panneaux coulissants qui structurent en beauté une pièce. On se laisse séduire par des coloris beige, bronze, ivoire, or, rouge et noir. Les pièces aspirent à l’épure et les meubles affichent leurs lignes droites, leurs proportions simples. Les espaces se font plus modulables, les matériaux plus naturels… le Japon s’invite chez nous.
Chaleur exubérante
Le Maroc et l’Inde offrent quant à eux des productions aux couleurs vives et chamarrées, des tissus chatoyants ou irisés agrémentés de breloques scintillantes. Argent et rose, turquoise et or, les teintes qui viennent de ces deux pays sont éclatantes, et on se les approprie ici pour leur gaieté, parfois dans un esprit kitsch tout à fait assumé. Le bois de rose magnifie des meubles aux arabesques envoûtantes, le chanvre devient textile, les miroirs de bois sculpté font figure de vrais tableaux. Un grand plateau argenté aux motifs martelés devient une table basse, les coussins multicolores d’organza s’invitent au sol ou sur des banquettes et des méridiennes conviviales. Les tapis, les paravents en bois sculptés ou en fer forgé et les voilages se multiplient dans des intérieurs ouvertement arabisants. La salle de bain prend des allures de hammam, les luminaires en métal ou en terre cuite se donnent des airs de trésors de souk. Quant au tadelakt, il n’a jamais été aussi prisé. Enduit marocain traditionnel à base de chaux, de pigments naturels et de poussières de marbre, il est reconnu pour son imperméabilité, sa brillance et sa douceur. Les zelliges, carreaux de terre cuite, traditionnels eux aussi, travaillés à la main avec des motifs géométriques, recouvrent les tables en fer forgé de nos terrasses et les murs de nos salles de bain. Statues de bronze de divinités hindoues, tissus du Yémen ou du Cachemire, bols chantants du Tibet, rideaux de perles rose fluo et bleu turquoise… l’Inde et ses voisins parviennent également jusqu’à nous, dans une version aseptisée, pour mystifier nos intérieurs.